J'ai creusé un profond terrier. Il faut dire que j'aime creuser d'une part et que je recherche un peu de fraîcheur pour me reposer lorsque le soleil s'impose au dehors. Aussi, lorsque la nuit tombe, tout l'univers s'éveille autour de moi. Je sors chasser un peu, faire de l'exercice : j'attrape un criquet, une huppe ou une gerboise.

La lune donne parfois à ces lieux des airs fantomatiques. Je m'y promène solitaire et fier, comme le gardien d'un domaine inestimable. J'aime particulièrement m'allonger sur le rocher des Oryx : de temps à autre, un troupeau d'hommes s'arrête en contrebas. Ils sont drôles à regarder : il y a toujours un chef et c'est souvent le même. Il n'a pas de grandes oreilles mais il entend bien. J'ai beau me faire discret, il me repère à chaque fois. Mais il ne dit rien; il me tolère.

Pour les autres, on voit bien qu'ils ne sont pas vraiment du coin : il font beaucoup de bruit et boivent l'eau comme ils respirent. Et puis ils n'ont pas le même pelage ; sans le chef, je crois bien qu'ils ne survivraient pas longtemps par ici. Je me demande bien d'ailleurs ce qu'ils viennent faire dans le coin : ils ne chassent pas, ne creusent pas de trou. Ils dorment la nuit et marchent le jour. Je n'ai jamais personne vu chasser un homme. C'est drôle mais je crois bien qu'il n'a pas de prédateur : en même temps, ce doit être monotone une vie d'homme.

Lorsqu'il n'y a pas de visiteurs, je regarde les points lumineux dans le ciel. Ils ne bougent pas beaucoup d'une nuit à l'autre, mais il y a des groupes unis qui bougent ensemble. Je leur donne des noms : il y a la Grande Antilope, le Petit Lièvre, l'étoile Qui-Bouge-Pas...